De l’intérêt de susciter la posture réflexive, une pratique au service de la thérapie et de la pédagogie.

Alors que s’achève la première édition de la formation en Thérapie Narrative, donnée avec Catherine Besnard-Péron au sein de Pilgrim Conseil, vient le moment pour moi de me retourner sur l’expérience vécue et de me poser quelques questions réflexives afin de découvrir où cette formation m’a amené, là où je n’aurais pas été si je ne l’avais pas animée…

 

Lorsque je pense à cette formation, je revois l’enthousiasme des thérapeutes en formation au début de chaque module, le plaisir et la simplicité avec lesquels ils se retrouvaient pour apprendre ensemble et partager leurs découvertes à chaque début de module. Je revois leur curiosité, leur ouverture et leur attention tout au long de l’apprentissage. Je revois aussi l’apparente facilité avec laquelle les personnes semblaient intégrer et s’approprier des concepts parfois nouveaux pour eux, une posture de thérapeute souvent différente, ainsi que les compréhensions de la thérapie que nous avions à cœur de leur transmettre. Enfin, je repense à la façon dont la formation s’est terminée ; chacun semblait à la fois en contact avec ses compétences propres, à ce qu’il était possible de faire, là où il en était, pour sa vie de thérapeute, et connecté à de nouveaux espoirs pour aller un pas plus loin dans les apprentissages et dans le travail avec les patients.

J’ai trouvé particulièrement remarquable qu’en fin de formation, les stagiaires puissent manifester un sentiment de compétence à continuer d’explorer de nouvelles pistes dans leur activité de thérapeute sans aucunement disqualifier ce qu’ils savaient déjà en arrivant en formation. Au contraire, je me demande si l’on ne pourrait pas parler pour eux d’un élargissement des perceptions incluant ce qui était déjà présent au début de la formation. Enfin, je crois pouvoir affirmer qu’à l’issue de la formation personne ne s’est senti accablé par ce qu’il aurait pensé devoir connaître ou apprendre encore afin de pouvoir « devenir un bon thérapeute ».

Quand je repense à tout cela, cela me réjouit profondément car cela signifie que les espoirs que nous portions avec Catherine Besnard-Péron en construisant cette formation à la Thérapie Narrative se sont, au moins en partie, concrétisés.

Qu’est-ce qui a permis cela ?

Je pourrais parler avant tout du cadre et de la pédagogie que nous avons pris soin de mettre en place. Je parle ici d’un cadre sécure et bienveillant, visant à inclure et accompagner chacun particulièrement au sein du groupe. Je pense aussi à ce que nous avons cherché à faire vivre aux stagiaires, de manière analogue à ce que pourrait vivre un patient en thérapie ; nous avons pour cela construit « un échafaudage » visant à partir de ce qui était « connu et familier » pour les stagiaires pour aller « vers ce qu’il est possible de connaître ». Ainsi, à chaque étape du processus pédagogique, nous nous sommes appuyés sur ce qui était connu et familier pour chacun pour ensuite, par le questionnement, la réflexion individuelle, la réflexion en petits groupes et en grand groupe, par les exercices pratiques et les apports théoriques que nous donnions, leur permettre d’aller pas à pas vers ce qu’il était possible de connaître.

Mais tout cela étant dit, ce qui retient le plus mon attention parmi tout ce qui a pu favoriser ce voyage chez les thérapeutes en formation avec tous les effets relatés plus haut, c’est l’exercice, l’entraînement, la musculation de la posture réflexive de chacun. Tout au long de cette formation nous avons en effet veillé à poser des questions décentrées et influentes afin de favoriser les processus réflexifs des personnes. J’ai vraiment été émerveillé et même étonné de découvrir à quel point susciter la posture réflexive chez les personnes en apprentissage contribue à les faire monter en compétence. Et j’aime à croire désormais que cette manière de faire réfléchir l’autre fait la différence pour l’apprentissage, tant en formation qu’en thérapie.

Susciter ainsi la posture réflexive chez les stagiaires consistait à les inviter régulièrement à se retourner sur leur expérience – par exemple au début de chaque module de formation et après les différents temps d’exercices ou de mise en situation. Ainsi, nous avons établi un contexte qui permettait que les gens fassent des liens avec ce qu’ils connaissaient déjà, au plus près de leur expérience. Par de simples questions les invitant :

  • à se demander ce qui attire leur attention, ce qui les surprend ou les intéresse dans telle ou telle expérience,
  • à observer les différences que cela fait pour eux, ce que cela leur permet de découvrir, d’apprendre, les liens que cela leur permet de faire,
  • et à se demander ce que cela change pour leurs compréhensions, leurs perceptions et potentiellement pour leur pratique, nous les accompagnions et les soutenions pour franchir la « zone proximale de développement » (Cf. Lev Vygotski), dans une forme de collaboration au service de leur autonomie, à l’instar de ce que l’on peut faire en Thérapie Narrative. Cette manière d’envisager la pédagogie nous a ainsi permis de rester aussi loin que possible d’une relation de pouvoir qui ne demande qu’à s’immiscer dans la relation formateur-stagiaire, dès lors qu’un formateur censé savoir rencontre un élève ayant soif d’apprendre…

Construire et mener ainsi la formation a donc probablement eu – au moins en partie – les effets escomptés, à savoir de contribuer à enrichir les perceptions, les savoirs, et les compréhensions concernant la Thérapie Narrative ; de contribuer à ce que chacun se sente plus intimement relié à un sentiment de compétence à travailler en thérapie avec les patients ; et de permettre aux stagiaires de se connecter un peu plus à leur autonomie de thérapeute, à ce qui est important pour eux pour la thérapie, à leur créativité…

Quelle différence cela fait-il pour moi d’avoir vécu cette formation comme formateur ?

Cela me donne tout simplement envie de continuer cette activité, et de résolument poursuivre avec cette posture décentrée (qui ne pense pas à la place des personnes) et influente (qui suscite la posture réflexive et donc l’élargissement des perceptions chez l’autre et par là même le développement de son autonomie).

Enfin, je peux me réjouir de me sentir moi-même un peu plus connecté à l’issue de la formation à ma propre compétence à maintenir une posture décentrée et influente en thérapie. Et je dois dire que le fait d’avoir vu les stagiaires évoluer comme ils l’ont fait au cours de cette année a largement contribué à confirmer pour moi l’importance de cette posture pour ma pratique et à renforcer mon espoir de m’appuyer sur elle dans mon travail de psychothérapeute pour continuer d’œuvrer pour l’autonomie des patients.

Que les thérapeutes venus en formation en Thérapie Narrative pour cette première édition soient remerciés pour leur confiance, leur ouverture, leur curiosité et leur enthousiasme !